Les Nouvelles Résolutions
Une analyse psychanalytique de leurs origines et implications
Aurore VINCENT-JURIE
1/2/20255 min read
Les résolutions du Nouvel An sont devenues une tradition universelle. Chaque année, au moment où l’horloge marque minuit, beaucoup d’entre nous se lancent des objectifs personnels : arrêter de fumer, perdre du poids, être plus organisé, ou encore passer plus de temps avec ses proches. Mais pourquoi faisons-nous ces promesses ? Quelles sont les motivations profondes qui nous poussent à envisager un renouveau ? Du point de vue psychanalytique, les résolutions peuvent être perçues comme un miroir des conflits internes, des désirs refoulés et des mécanismes de défense. Cet article explore les résolutions à travers le prisme de la psychanalyse, une discipline qui a toujours cherché à comprendre les motivations inconscientes qui régissent nos comportements.
1. La Résolution : Un Mécanisme de Défense Face à l’Inquiétude
Les résolutions sont souvent formulées en réponse à une angoisse ou un malaise existentiel. Dans la psychanalyse, on parle de mécanisme de défense pour désigner ces stratégies inconscientes qui permettent à l'individu de se protéger d'émotions pénibles ou de conflits internes. Lorsqu’on décide de changer un aspect de notre vie, cela peut être perçu comme une tentative de surmonter un sentiment d’insatisfaction, voire de dévalorisation de soi.
Le passage à l’année nouvelle, avec sa symbolique de renouveau, semble être l’occasion idéale pour refouler ces anxiétés liées à nos "manquements" et réparer ce que nous considérons comme des faiblesses ou des erreurs passées. Par exemple, une personne qui ressent de la culpabilité par rapport à sa santé ou à son image corporelle pourrait faire une résolution de "perdre du poids" afin de se libérer de cette angoisse d’imperfection. Ce processus, bien que bien intentionné, peut aussi témoigner de l'existence d'une souffrance psychique sous-jacente.
2. L’Idéal du Moi et la Recherche de la Perfection
Selon la théorie psychanalytique de Freud, chaque individu est guidé par des instances psychiques qui façonnent ses désirs et son comportement : le Ça (les pulsions), le Moi (la réalité) et le Surmoi (la moralité). Le Surmoi, en particulier, est une sorte de "juge intérieur" qui régule les actions et les désirs en fonction des normes sociales et éthiques.
Les résolutions du Nouvel An peuvent donc être vues comme une tentative de répondre à un idéal du moi imposé par le Surmoi. Cet idéal est souvent un reflet des attentes sociales, familiales ou personnelles : être plus productif, plus discipliné, plus "parfait". Les résolutions viennent alors nourrir un désir de transformation radicale afin de combler l’écart entre le Moi réel et cet idéal du Moi que l’on souhaite atteindre. Mais cette quête de perfection peut aussi être source de frustration. En effet, l’écart entre la réalité et l’idéal est souvent trop vaste pour être comblé de façon durable.
Cela conduit à un phénomène classique, décrit par Freud lui-même : l'idéalisation du changement. Dès le début de l'année, nous nous imaginons déjà avoir transformé nos faiblesses en forces, mais bien souvent, ce fantasme est vite confronté aux résistances internes et aux exigences du quotidien.
3. Les Résolutions : Une Manifestation du Refoulement et du Désir de Rédemption
L’acte de prendre une résolution peut également être interprété comme un mécanisme de refoulement. Freud a montré que les désirs inassouvis, les souvenirs douloureux ou les comportements jugés "mauvais" sont souvent refoulés dans l’inconscient pour préserver l’équilibre psychique. Lorsqu'une personne décide de changer un aspect de sa vie, elle peut, en fait, essayer de dissiper ce refoulement en agissant sur un symptôme apparent de ce qu’elle cherche à cacher ou à guérir.
Prenons l'exemple d’une personne qui a souffert de dépression ou d’un sentiment de culpabilité lié à son manque de productivité. Prendre la résolution de "devenir plus organisé" ou "d’accomplir davantage de tâches" peut être une tentative de réparer ce sentiment de dévalorisation et de se réconcilier avec son idéal du moi. Cependant, cette dynamique peut parfois se traduire par un "acte de contrition" : une manière de se punir pour ses défaillances et de chercher une forme de rédemption.
Le fait d’agir sur des résolutions peut aussi être vu comme un désir de réécrire son histoire, de se donner une nouvelle identité et ainsi surmonter les angoisses liées à des événements passés. Ce besoin de "nettoyer" le passé est souvent plus marqué au Nouvel An, période qui symbolise le passage du temps et l'occasion de repartir de zéro.
4. Les Résolutions et le Conflit Entre Plaisir et Réalité
L’un des grands thèmes de la psychanalyse est le conflit entre le principe de plaisir et le principe de réalité. Le principe de plaisir est ce qui pousse l’individu à rechercher immédiatement la gratification de ses désirs, tandis que le principe de réalité impose des restrictions en fonction des contraintes du monde extérieur.
Les résolutions peuvent ainsi incarner cette lutte entre ces deux principes. Par exemple, une personne peut avoir envie de se libérer du stress par des comportements impulsifs (manger des sucreries, fumer, procrastiner), mais son Surmoi ou sa conscience sociale lui impose des limites en prônant des résolutions de mieux-être et d’ordre. Toutefois, ces résolutions, lorsqu’elles sont trop strictes, peuvent entraîner des tensions internes : un sentiment de frustration ou de culpabilité lorsque le changement espéré ne se concrétise pas immédiatement.
La gestion de ce conflit interne est essentielle. Les résolutions qui sont trop ambitieuses ou irréalistes risquent de devenir une source de souffrance psychologique, amplifiant la frustration du "Moi" qui lutte contre des désirs inconscients trop puissants.
5. La Réalisation des Résolutions : Une Question d’Intégration du Conscient et de l'Inconscient
Enfin, une perspective psychanalytique sur les résolutions souligne l’importance de l’intégration de l’inconscient et du conscient dans le processus de changement. Ce n’est pas simplement une question de se fixer des objectifs, mais aussi d’examiner les raisons profondes qui poussent à vouloir changer. Une résolution réussie devrait ainsi pouvoir être accompagnée d'une réflexion sur les motivations inconscientes qui sous-tendent ce désir de transformation.
Plutôt que de simplement "battre" ses défauts, il serait bénéfique de se demander pourquoi ces défauts existent, ce qu'ils symbolisent et comment ils peuvent être réintégrés dans un processus d’évolution personnel plus harmonieux. C’est en prenant en compte l’ensemble de ses désirs, ses blessures et ses contradictions que l’individu pourra véritablement progresser de manière saine, et non pas en se soumettant à des attentes irréalistes ou en cherchant à fuir une réalité trop déplaisante.
Conclusion : Les Résolutions, Entre Illusion et Réalité
D’un point de vue psychanalytique, les résolutions sont bien plus que de simples promesses de changement. Elles sont l’expression d’un conflit intérieur entre le désir de perfection et la réalité de nos limites humaines. Elles traduisent une quête de sens, de réconciliation avec soi-même, et souvent, une tentative de combler des vides émotionnels ou existentielles.
En fin de compte, il ne s'agit pas seulement de tenir ses résolutions, mais aussi de comprendre les dynamiques psychiques qui les sous-tendent. En explorant nos motivations inconscientes et en ajustant nos attentes à la réalité de nos besoins profonds, nous pouvons, peut-être, parvenir à transformer ce qui semble être une simple quête de nouveauté en un véritable chemin de croissance personnelle.